The Sunrise: Episode 1

Un matin

Le soleil venait de se lever, mais il n’avait pas encore eu le temps de réchauffer la terre, les murs de pierres de la forteresse, et le jeune homme de garde ce matin là. Il maudissait ce début d’hiver. Parce qu’il était le dernier arrivé, il était dehors. Parce qu’il n’était pas un héros, contrairement à Söhn, il n’avait pas le droit au respect des autres hommes de la compagnie. Parce qu’il n’était pas doué pour tricher aux cartes, il perdait chaque mois sa solde, et gagnait des coups et des insultes. Parce qu’il était sans le sous et détesté, il n’était pas avec les autres soldats, au chaud, à se saouler en compagnie des catins. Parce que tout était ainsi, lui, il allait survivre. Pas eux.

Ils s’étaient approchés toute la nuit, silencieusement, pas à pas. Deux milles ombres qui s’étiraient maintenant à quelques dizaines de mètres du bas des murs de la forteresse. Quand les premiers rayons les effleurèrent, deux milles carapaces frémirent et commencèrent à s’agiter. Oui, eux aussi avaient eu froid cette nuit. Et faim. Deux antennes se levèrent, un peu plus haut que les autres. Le repas allait bientôt commencer.

Il faillit ne pas les voir. Il allait se retourner, surpris par le long cri guttural d’une des  »dames de compagnies » des soldats. Il n’arrivait pas à y croire : là, à dix mètres sur sa droite, dans le petit corps de garde, la dizaine d’hommes de quart était en train de vider leurs bourses (les trois : celle pendue à leur ceinture, et les deux pendues dessous). Il s’apprêtait à aller ouvrir la porte, juste un peu, juste pour profiter de l’air chaud de la pièce, pas pour jeter un œil, bien sûr… Mais quelque chose accrocha son regard. Quelque chose qu’il aurait dû reconnaître tout de suite. Cependant, il resta interdit un instant. Peut être à cause de l’heure matinale, ou du soleil se reflétant sur deux milles carapaces et quatre fois plus de griffes, plus tranchantes que des rasoirs. Le jeune garde s’ébroua. Il leva son arbalète et tira. Son carreau ne s’était pas encore enfoncé dans le sol gelé qu’il s’était jeté sur la porte du corps de garde.

« Solnyx ! Solnyx ! Les solnyx arrivent ! »

Il lui fallut moins d’une seconde pour comprendre qu’il ne tirerait rien de ces hommes là : ceux qui n’étaient pas ivres morts étaient  »trop occupés ». Il se retourna. Söhn était déjà en bas de l’escalier, lame au clair, prêt au combat.

« Lans, combien sont-ils ? »

Lans ne répondit pas. En quelques sauts, Söhn avait franchi les marches le séparant du jeune homme. Ils avaient à peu près le même age, mais le nouvel arrivant faisait plus vieux. Chacun de ses gestes étaient plein de grâce, et, même quand il compta les Solnyx, son visage ne s’enlaidit pas d’une expression de stupeur ou d’effroi. Non. Il respirait le calme et la confiance en lui.

« Et les autres hommes de quart ? »

Encore une fois, le garde ne prit pas la peine de répondre. La porte de la salle était restée ouverte, et les gémissements qui s’en échappaient étaient clairs.

« Tant pis. Va réveiller les autres. Et recharge ton arbalète en route, ajouta le jeune guerrier. »

Lans hocha la tête et s’élança. En bas de l’escalier, il dérapa sur une flaque d’eau qui avait gelé pendant la nuit. Oui, il avait fait froid. Le jeune homme courut vers les dortoirs, ouvrit le premier, hurla que les solnyx arrivaient, et passa au suivant en entendant les hommes sauter de leur lit. Las ouvrait la dernière porte quand le capitaine Lonos sortit de ses appartements, vêtu de son armure trop grande pour lui. C’était celle de son père, de son grand-père, du père de son grand-père… Et ils étaient tous plus grands que lui. Ou avaient tous fait avec. C’était maintenant un vieil homme fatigué qui, disait-on, avait vu tué plus de Solnyx que le trône de bois n’avait vu de rois. Les trois cents hommes de la garnison se regroupaient autour de celui qui leur avait donné leurs ordres depuis toujours. Mais le regard de ce dernier était fixé sur la muraille où se battait Söhn.

On aurait dit que le soleil s’était levé en vitesse, surpris lui aussi par cette attaque, et qu’à présent il observait le jeune guerrier. Il tranchait une patte, virevoltait, plantait sa lame dans les entrailles d’un de ces insectes géants, pivotait, tranchait des antennes, esquivait des griffes meurtrières… Il dansait à un rythme affolent une danse dans laquelle le moindre faux pas entrainait irrémédiablement la mort. L’humain, au milieu de toutes ces formes hostiles, était baigné dans les rayons du soleil, donnant à la scène un aspect irréel. Les gardes restaient là, dans la cour, bouche bée à la vue de ce jeune homme, combattant seul sur cette muraille en cette matinée d’hiver.

Le capitaine Lonos secoua la tête, comme pour mieux se réveiller.

« Arbalétriers en position. Archers, préparez vous à arroser cette muraille. Lanciers et fantassins, devant, en quinconce ! »

Certes amorphes l’instant d’avant, les soldats s’animèrent et bougèrent comme un seul homme. Ils connaissaient ces mots, ils avaient entendu ces ordres tant de fois que leurs muscles les accomplissaient seuls, sans qu’ils aient à y penser. Lans avait rejoint le rang d’arbalétriers et visait déjà un Solnyx, prêt à tirer dès que l’ordre lui serait donné, quand l’homme à sa gauche lui fit signe. Dans la précipitation, le jeune garde avait oublié de réajuster un carreau. Pestant, il y remédia aussi vite que possible, ce qui lui prit bien quinze secondes. Et encore quinze autres quand son arbalète lui glissa des mains, envoyant le projectile ricocher au pied des escaliers. Enfin, quand tous furent prêts, le capitaine hurla.

« Söhn, dégagez de là ou vous allez vous transformer en porc-épic ! »

A peine avait-il fini sa phrase que le jeune guerrier avait empoigné un Solnyx et qu’il s’élançait dans le vide, l’insecte géant sous lui. Gracieux même pendant ces dix mètres de chute, Söhn avait déjà tué son adversaire quand ils touchèrent le sol. Au lieu de tomber lourdement, comme l’aurait fait n’importe qui, il roula sur les dalles, se releva et n’eut le temps de faire que deux pas avant qu’une cinquantaine de flèches ne s’abattent sur la muraille, faisant tomber des Solnyx dans la cour et de l’autre coté de la muraille. La deuxième volée de flèches n’était pas encore partie que Söhn avait déjà rejoint le capitaine. Celui-ci fut surpris de voir que Söhn ne semblait même pas essoufflé et qu’il ne souffrait d’aucune blessure.

« Définissez la menace, jeune homme, ordonna le capitaine.
-Des tout frais : ils ont encore les quatre pattes de ceux qui sortent à peine de l’œuf, précisa-t-il. Ils ont peut être un mois, au plus. Un peu plus de mille cinq cents à vue de nez.
-Ils n’attaquent que cette muraille, demanda le vieil homme.
-Oui, répondit Söhn, affichant un léger sourire. Ce sont des Solnyx, pas des stratèges. »

La discussion s’arrêta là. Les Solnyx avaient posé le pied (la… Les pattes) dans la cour. La pluie de flèches des archers n’avait pas suffit à les retenir en haut de la muraille et ils traversaient la cour, leurs griffes cliquetant sur la pierre, ne présentant aux soldats que leurs carapaces impénétrables. Ils arrivèrent sur les fantassins, ligne de soldats imperturbables, attendant l’ennemi bouclier levé et lame au clair. Quand les monstres se redressèrent pour frapper, ils furent cueillis par les carreaux des arbalétriers. Les fantassins ne bronchèrent pas quand les projectiles sifflèrent à leurs oreilles. Une nouvelle ligne de Solnyx se présenta, et à peine furent-ils en position pour frapper que les lanciers les avaient déjà embrochés. Lonos hurla des ordres. Les hommes reculèrent de quelques pas, d’un bloc, sans précipitation, laissant les Solnyx s’approcher. Puis fantassins et lanciers s’arrêtèrent. Ces derniers éliminèrent une nouvelle vague de monstres, puis ce fut le tour des arbalétriers, et les hommes reculèrent encore de quelques pas.

Les Solnyx devaient escalader deux lignes de cadavres avant d’atteindre les fantassins. Les arbalétriers les arrêtaient en haut de la deuxième, soutenus par le feu nourri des archers. Les lanciers arrêtaient ceux qui passaient, les fantassins s’occupaient de ceux qui restaient.

Tout se passait bien, et ça aurait pu continuer. Ça aurait été le cas si un autre groupe de deux cents insectes géants, passant par là et alertés par le bruit, n’avait pas décidé de se joindre à la dégustation. En passant par la muraille la plus proche d’eux. Celle située dans le dos des humains. En quelques secondes, la splendide stratégie bien rodée de la garnison se transforma en fuite éperdue, chacun se battant pour sa vie quand il en avait le temps.

Lans avait jeté son arbalète et grimpait tant bien que mal sur le toit d’un dortoir. Là, il contempla un instant la bataille. Il était orphelin depuis le jour où les Solnyx avaient attaqué son village. Lui et son petit frère étaient absents, partis vendre du bétail dans la ville voisine. C’était à ça qu’avait dû ressembler le massacre. Non. Dans son village, il n’y avait pas de soldats. Surtout pas de la trempe de Söhn, qui combattait les Solnyx, les abattant par dizaines. Oui, c’était l’image même du héros, ce que Lans avait promis à son frère de devenir. Jusque là, c’était plutôt raté.

Le jeune homme fut tiré de sa rêverie par un soldat qui lui tendait la main, tentant désespérément de monter. Il n’atteignit jamais le toit. Alors que Lans s’accroupissait pour l’aider, un Solnyx trancha l’homme en deux. Lans se releva d’un bond. L’instant d’après, le monstre était mort, une flèche plantée dans l’abdomen. Un archer était monté sur le toit sans que le jeune homme ne s’en rende compte, et il décochait maintenant flèche sur flèche dans la cour. Se sentant idiot d’avoir perdu son arbalète, le jeune garde dégaina sa petite épée, ne sachant trop qu’en faire.

Söhn venait de tuer un Solnyx, un de plus. Il esquiva une griffe, trancha la patte qui lui était reliée, se baissa, coupa les pattes postérieures du monstre, et lui sectionna les antennes, achevant de le mettre hors d’état de combattre. Puis il passa au suivant, puis au suivant, puis encore au suivant, et à celui qui se présenta ensuite, et à celui qui vint après… Il n’arrêtait pas de trancher, de frapper, de feinter, d’esquiver, de percer, le tout dans un ballet harmonieux. Il se trouva à coté du capitaine Lonos et ils se battirent dos à dos quelques instants avant d’être séparés par le tumulte du combat. Le soleil n’était pas encore haut dans le ciel que la forteresse retrouva son calme. Il n’avait pas encore pu réchauffer la terre, mais le sang, humain ou non, s’en était chargé en se répandant sur le sol. Le soleil n’avait pas non plus eu le temps de réchauffer les êtres vivant qu’un bon nombre d’entre eux refroidissaient déjà. Les autres étaient en nage. Sauf Söhn, bien sûr.

Il ne restait qu’une trentaine d’hommes en vie. Quelques blessés gémissaient. Le capitaine, boitant à cause d’une vilaine blessure à la jambe, s’approcha de Söhn.

« On vous doit la victoire, jeune homme.
-Vous vous êtes bien battu aussi. Comme tous vos hommes, ajouta le héros.
-Tous ne se sont pas assez bien battus. Il ne me reste plus grand monde à qui donner des ordres, ajouta le capitaine, une pointe de regret (de la taille d’un fer de lance) dans la voix.
-Capitaine, ils ont pondu hors saison, dit Söhn. »

Lonos renifla. Oui. Les Solnyx faisaient éclore leurs œufs au printemps. Voir plus de deux milles jeunes Solnyx au début de l’hiver était impensable. Mais les insectes étendus morts dans la cour ne laissaient aucun doute. Les Solnyx, âgés de moins de six mois, ne présentaient jamais les particularités propres à leur caste. Ceux là avaient encore tous les quatre pattes antérieures et les deux pattes postérieures, ainsi que les griffes et la lourde carapace.

Söhn se demanda combien de ce créatures étaient destinées à devenir des ouvriers et à ne pas changer. Puis il se demanda combien auraient finis par perdre deux de leurs pattes pour devenir des guerriers. Puis il se demanda combien de ces guerriers auraient pu perdre leur carapace et faire partie de l’élite des Solnyx en devenant des chasseurs ou des artilleurs, les plus redoutés des Solnyx. Pour finir, il tenta d’évaluer le nombre de ces créatures dont les antennes se seraient rallongées et qui auraient perdu griffes et carapace en conservant leurs six pattes, et qui seraient devenus des reproducteurs, pères de dizaines de milliers de nouveaux monstres.

Les Solnyx pondaient dans les premiers jours du printemps. Deux lunes plus tard, les œufs, remplis d’un liquide acide, libéraient leur contenu monstrueux. Six lunes plus tard, la première étape de la différenciation commençait, et on pouvait dire si la créature allait devenir un guerrier ou un reproducteur, ou si elle n’allait pas changer et devenir un ouvrier. Trois lunes plus tard, on savait enfin si un guerrier allait se transformer en chasseur ou en artilleur. Il ne fallait que onze lunes pour qu’un œuf devienne une implacable machine à tuer, ou un insecte capable de projeter des piques de chitine à des dizaines de mètres avec une précision et une puissance terrifiantes. Moins d’un an. Et il fallait au moins quinze ans pour qu’un humain puisse manier une épée. En sachant que dans la plupart des cas, même un jeune Solnyx venait à bout d’un  »combattant » de quinze ans.

« Le printemps va être rude, lança le capitaine.
-Moins que l’année qu’il précède, j’en ai peur, répondit Söhn. »

Lonos ne put que hocher la tête. Les survivants avaient fini par se rassembler autour des deux hommes, le vieux et le jeune. Personne ne parlait. Lonos rompit le silence.

« Bon, je crois qu’on a pas à attendre la relève. Cette année, les Solnyx vont forcer la frontière, et que nous restions là ou non n’y changera rien. Chacun de vous a sacrifié suffisamment pour le trône de bois. Deux hommes doivent aller à Lordia pour annoncer que nous sommes tous morts. Ils évacueront la ville, ou pas, peu importe. Les autres, vous pourrez rentrer chez vous, près de vos familles. Mais vous serez des déserteurs. Si certains d’entre vous veulent être réintégrés dans un bataillon, qu’ils me suivent. J’irais avertir le roi que la garde est tombée et qu’une brèche a été faite dans la frontière. »

Le vieil homme continua de parler un moment, leur donnant des conseils : se séparer, s’intégrer à des caravanes, ne pas donner leurs noms, ne pas se dénoncer les uns les autres… Personne n’écouta vraiment. Ils allaient enfin pouvoir rentrer ! Serrer à nouveau leurs proches dans leurs bras, revoir leur foyer… Avant que les Solnyx ne déferlent sur le royaume du trône de bois, massacrant sa population pour s’en nourrir. Plutôt étrange de voir que pas un des survivants n’arrivait à se réjouir de ce  »dénouement heureux ».

Écrit du Dirigeant Y: Conteur

13 avril 2011 | Categories: Les Chroniques Cydoniennes | Poster un commentaire

Le Rêveur: Episode 2

L’Epreuve

Quelques années s’écoulèrent. L’enfant avait perfectionné son art, et dépassé en maitrise certains de ses professeurs, dont au moins deux des dix qui l’examinaient pour l’épreuve finale avant de recevoir le titre officiel de Rêveur.

« Une goutte d’eau réelle, ordonna un gros homme, parmi les dix, sur sa chaise. »

L’enfant hocha la tête, ferma les yeux, laissa la quiétude l’envahir, et s’endormit un instant, un seul. Il rouvrit les yeux quand la goutte d’eau, tombée du plafond, vint s’écraser à l’endroit prévu à cet effet sur la table des examinateurs. Tous hochèrent la tête. Elle ne disparaitrait pas avant de s’être évaporée.

« Une balle, de ta main à la corbeille, aboya un homme sec. »

Là encore, l’enfant s’exécuta, tendit le bras, ferma les yeux, s’endormit, et fit apparaitre une balle au dessus de sa main, qui alla se loger toute seule dans la corbeille. Il rouvrit les yeux. Les juges ne s’étonnèrent même pas de voir qu’il maitrisait déjà les directions que prenaient ses rêves.

« Un oiseau, proposa une jeune femme. »

L’enfant qui n’en était plus vraiment un lui sourit. De tous ses professeurs, elle avait été sa préférée, lui proposant sans cesse d’accomplir l’impossible, et l’y aidant, repoussant les limites du jeune homme en même temps que celles de la réalité. Il inspira profondément et ferma les yeux. Il ne savait pas comment il allait faire. Un être vivant était un rêve presque impossible à ancrer dans la réalité, même pour un temps très court, et il était sûr que personne dans cette pièce n’en était capable. Il réfléchit vite, très vite. Ne trouvant rien, il décida d’essayer, quand la solution lui vint. Alors il apaisa son esprit, et trouva la quiétude nécessaire pour rêver. Il lui fallut un bon moment, mais le rêve commença à se dessiner devant les professeurs. Un simple bloc de bois clair apparu en l’air. Puis des morceaux disparurent, se taillèrent, se déplacèrent, le tout prenant une forme facilement reconnaissable : un oiseau. Puis des couleurs apparurent et colorèrent l’animal, qui s’en alla voler près des oreilles des juges avant de revenir se poser sur l’épaule de la jeune femme qui avait proposé cette épreuve. L’examiné rouvrit les yeux. Trois des maitres rêveurs, maitres Joras, Liv et Van, étaient rouges de honte. Eux étaient les moins capables, et auraient déjà eu toutes les peines du monde à faire passer une simple goutte d’eau de leur rêve à la réalité. Quatre autres, les maitres que le jeune homme ne connaissait pas, semblaient surpris, et gardaient la bouche ouverte, comme pour parler. Maitre Dasus, quant à lui, se grattait pensivement sa barbe mal rasée en regardant l’oiseau. L’homme en bout de table, un homme qui ne ressemblait en rien à un rêveur, à cause de l’armure légère et de l’épée qu’il portait, gardait les yeux fixés sur celui qui passait l’épreuve, visiblement décidé à voir jusqu’où cet élève pourrait les surprendre. Cet homme était le maitre des protecteurs. La dernière, maitresse Hiline, souriait à son élève, les yeux emplis d’une fierté qu’elle ne cachait pas. Soudain, dans un bel ensemble, tous se reprirent. Ils se redressèrent sur leur siège.

« Protège ton rêve, hurlèrent-ils ensembles. »

L’enfant ferma les yeux aussitôt et sombra dans le sommeil. Il se recentra sur son oiseau, et rêva autour de lui une bulle protectrice supposée limiter l’impact des rêves des examinateurs. Il sentit cinq présences menaçant son oiseau. Sans difficulté, il les repoussa, força même les rêveurs à se réveiller, et poussa le culot jusqu’à rêver qu’ils ne pourraient pas se rendormir avant la nuit prochaine. Fier de sa performance, il sonda son rêve au plus loin. Il ne trouva personne. Puis soudain, quatre attaques arrivèrent, cherchant à l’éveiller et à détruire son rêve. Il s’enfonça dans un sommeil plus profond, analysant les attaques. Il espérait que Hiline serait celle qui n’avait pas attaqué, mais il reconnut sa façon pleine de douceur de rêver. Alors il se déchaina, protégeant l’oiseau de toute la force qu’il possédait.

Un rêve le toucha de plein fouet, mais il ne vacilla même pas. Au contraire, il rêva un seau d’eau tellement rapidement qu’aucun des assaillants ne put l’arrêter, et l’eau aspergea tous les examinateurs sans exception. Des quatre, seule Hiline attaquait toujours son rêve. Le seau ne l’avait pas réveillée. Au contraire, l’eau semblait lui avoir donné des idées. Elle rêva l’image d’elle, trempée, ses formes se dessinant clairement sous sa tenue, comme ce devait être le cas en cet instant. Le jeune homme fut déstabilisé, et elle tenta de rêver que l’oiseau disparaissait. Mais il se reprit à temps et l’en empêcha, rêvant au passage qu’elle séchait. Avant qu’elle trouve autre chose, il rêva qu’elle était à court d’idée. Surprise, elle resta un instant sans rien faire, à réfléchir. Puis il la renvoya dans la réalité.

Il savait qu’il avait réveillé neuf des dix rêveurs qui le testaient. Il n’en restait qu’un, et le jeune homme ne le détectait pas. Il le chercha dans son sommeil. Ne trouvant personne, il analysa tout ce qui s’était passé. Qui n’avait-il pas éliminé ? Soudain, il trouva. Le maitre des protecteurs. À peine eut-il trouvé que le tabouret sur lequel il était assis avait disparu. Le jeune homme s’écrasa sur le sol de pierre. Il n’eut pas le temps de se remettre du choc qu’il sentit qu’on le propulsait violemment contre un mur, et qu’on l’y bloquait à l’aide d’une planche. L’homme ne cherchait pas à attaquer l’oiseau, mais celui qui le défendait. Réagissant enfin, l’élève rêva que la planche disparaissait, puis il rêva une lame qui devait aller se place sous la gorge du maitre. Au lieu de cela, ce dernier reprit le rêve de l’élève en main, et la lame invoquée vint placer sa pointe sur les côtes de celui qui l’avait créé. Il cessa ce rêve, et la lame disparut. Il n’eut pas le temps de s’en réjouir que le sol à ses pieds s’évapora et qu’il tomba d’un étage, allant s’écraser sur une table d’une salle de cour, dont les élèves le regardèrent, éberlués. Le maitre des protecteurs sauta par le trou qu’il venait de faire, et tira sa victime du sommeil en même temps que sa lame de son fourreau. Il se réceptionna souplement sur la même table que celui qu’il avait fait tombé, et les pieds se brisèrent sous leurs poids. Le maitre posa la pointe de sa lame sur la gorge du jeune rêveur.

« Tu es doué, admit-il. Être doué ne suffit pas. Il faut être prêt. À tout. »

Écrit du Dirigeant Y: Conteur

6 avril 2011 | Categories: Les Chroniques Cydoniennes | Poster un commentaire